Le temple vaudou de Fyé (Sarthe)

Un village pas comme les autres, situé dans la Sarthe : Fyé, 1000 habitants, ses fermes, ses champs de tournesol... et son temple vaudou en pleine activité !

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Mon village à l'heure vaudoue

Par Garance LE CAISNE, à Fyé (Sarthe)
Le Journal du Dimanche
>> Un coin de campagne sarthoise tout ce qu'il y a de plus paisible accueille un lieu peu ordinaire, un hounfor. Ce temple vaudou, et les cérémonies de transe qui s'y déroule une fois par mois, attisent la crainte et la curiosité des élus et habitants. Pourtant, ici, pas de poulets sacrifiés ni sorcellerie. Seulement des adeptes venus pratiquer le culte des ancêtres disparus.



C'est un village très ordinaire. Avec son église de centre-bourg, son lotissement en construction et l'hôtel-restaurant Logis de France sur la nationale. Fyé, 1 000 habitants, est au fin fond de la campagne sarthoise. C'est ici que le pape du vaudou a choisi de poser sa valise remplie de couronnes. Mercredi, pour sa première visite en Europe, le roi Houngué Towakon Guedehoungue II du Bénin est venu présider une grande cérémonie de la pleine lune dans le seul temple vaudou africain d'Europe, au lieu-dit "les Grouas".

Pour y arriver, il faut passer devant la pharmacie et laisser le cimetière sur sa droite. Six cents mètres plus loin, au milieu des champs de tournesols, et devant une maison à vendre, une ancienne ferme porte un nom mystérieux: Hounfor de la Mandragore. Dans le bourg, le locataire des lieux est connu sous le nom de Philippe Mazarin. Ici, c'est PapaHougan.

En béninois, Hougan veut dire chef du hounfor, le temple. Né à Rennes (Ille-et-Vilaine) d'un père martiniquais et militaire de carrière, l'homme s'est installé dans cette longère il y a six ans. Costaud, PapaHougan a le tutoiement facile et le geste protecteur. C'est lui qui a invité le "pape du vaudou". "On veut communiquer sur notre culte pour qu'on arrête d'écrire des bêtises, explique PapaHougan. Faire connaître le vaudou dans le monde." Le monde commence de l'autre côté de la route, au village. Et il y a de quoi faire.

"On veut comprendre un peu"

Ce mercredi matin, devant la porte fermée de la vieille grange transformée en temple avec ses têtes de mort et ses bougies allumées, deux hommes et une femme attendent dans le froid. Ce sont des conseillers municipaux de Fyé. Ils ont accepté l'invitation à suivre la conférence sur la place du vaudou en Europe, préambule à la grande cérémonie de la nuit. "On veut comprendre un peu ce qu'est le vaudou", explique l'un d'eux. C'est la première fois qu'ils passent le lourd portail d'entrée de la propriété. "Dans le nord de la Sarthe, on ne sympathise pas du jour au lendemain. Dans le village, certains se demandent si ce n'est pas une secte. On se pose des questions. Alors on vient voir." Et la cérémonie de la nuit, aussi ? "Heu... non, on n'ira pas."

Le maire ne viendra pas non plus. Son emploi du temps de chauffeur de transport scolaire ne le lui permet pas, dit-il. "Je n'entends rien de positif ou de négatif sur ces gens. Mais j'ai trouvé mon équilibre dans la vie, je ne vois pas l'intérêt d'y aller, se justifie Michel Hery. Ceux qui viennent sont des gens fragilisés. J'ai été surpris, et gêné, de voir avec quelle vénération ils s'adressaient à M. Mazarin."

Le propriétaire de la maison, habitant d'un village voisin, est, lui, de ceux qui vénèrent PapaHougan. Tombé dans le culte vaudou quelques mois après sa rencontre avec son locataire, ce plombier frigoriste se fait aujourd'hui appeler "Montecase", littéralement "celui qui bâtit les maisons". Toujours un outil à la main, il bricole dans le hounfor. Chaque mois, il participe aussi aux cérémonies. Comme ce mercredi où, le visage peint en blanc, il prend garde à ce que les "vaudouisants" qui entrent en transe ne se fassent pas mal en tombant sur les tapis de gym posés par terre. Moment spectaculaire des cérémonies pendant lesquelles les esprits prennent possession des participants.

Une religion portée par la souffrance

Il est alors 1 h 35. ça bouchonne sous le chapiteau monté pour l'occasion. Une trentaine de personnes commencent à tourner et se bousculent un peu le temps de trouver la cadence des tam-tams qui résonnent dans un rythme assourdissant. Psychologue, jeune paumé du "9-3", attaché de communication, lycéen timide, avocate genevoise, Colombiens habitant Miami venus spécialement pour la cérémonie: l'assistance, d'origine africaine ou non, est hétéroclite.

Bon nombre de fidèles ne veulent pas être photographiés et reconnus. Comme la femme de PapaHougan. Au cas où on lui imputerait les décès du service hospitalier dans lequel elle travaille... Pas facile de s'afficher vaudou en France. Pourtant, pas de sorcellerie ici; ni poulets égorgés ni magie noire. Juste le culte des ancêtres disparus, né au Bénin il y a quatre mille ans, emporté ensuite par les esclaves déracinés, notamment à Haïti. Une religion portée par la souffrance.

Quatre heures du matin. A l'autre bout du village, on s'active à l'hôtel-restaurant. A jeun depuis midi, les participants de la cérémonie vont venir manger une terrine de poisson et une blanquette de veau. Avant de quitter le chapiteau, le roi des vaudous tient à remercier ses hôtes français: "Je ne connais pas le nom de votre président, mais que les mânes de nos ancêtres le protègent."

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